Les Contes populaires russes d’Afanassiev - Tome II

Conte 168. Le loup dévoreur

Le tsar envoya l’idiot chercher les gousli qui vibrent tout seuls. Longtemps il chemina, longtemps il erra ; enfin il approcha d’une petite isba montée sur pattes de poule. Dedans était assise une vieille femme :
« Bonjour, vaillant gaillard ! Où vas-tu ? – je vais quérir les gousli qui vibrent tout seuls. – Ah, mon cher ! Voilà qui n’est pas chose aisée ! Seul, tu n’y parviendras pas. Mais attends, j’ai mon fils, le Loup dévoreur, lui pourra t’aider. Patiente un peu, il ne va pas tarder : tiens, cache-toi derrière le poêle ! »
À peine l’idiot fut-il caché que, dans les airs, paraissait le Loup dévoreur : « Cela sent comme une odeur russe ! fit-il. – Voyons, fils, c’est toi qui a survolé les terres russes, qui t’es repu d’odeurs russes et tu es hanté ! – Non, mère, il y a un étranger caché chez toi : dis-lui de sortir et de venir jouer aux cartes avec moi ! »
L’idiot se montra et s’installa pour jouer aux cartes.
« Prends garde, lui dit le Loup dévoreur, veille à na pas dormir ! Si tu fais mine de fermer l’œil, je t’avale ! – Bien ! », dit l’idiot, en proie à une terrible envie de dormir.
Tandis que le Loup dévoreur battait les cartes, il faillit y céder.
« Qu’as-tu, tu dors ou tu somnoles ? – Ni l’un ni l’autre, je réfléchis ; - À quoi ? – J’ai traversé mainte forêt profonde. Partout j’ai vu plus d’arbres tordus que d’arbres droits. Je me demande à quoi cela peut tenir. – Attends, je vais aller voir ! Si tu t’es trompé, tu mourras ! »
Le Loup dévoreur s’envola de par le monde pour examiner les bois ; l’idiot, lui, se coucha. Il se réveillait quand le Loup dévoreur arriva : « Tu as raison, il y a plus d’arbres tordus ! », dit-il…