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De la paysanne à la tsarine

La Russie traditionnelle côté femmes

Les femmes et le code pénal

Les femmes et le code pénal : « Dans les vieux codes russes, le meurtre ne donnait pas lieu à une exécution capitale laquelle est absente du droit russe) mais à une amende plus ou moins élevée (Pouchkariova, p. 141). Le prix à payer dépendait de l’appartenance sociale de l’individu concerné. Ce qui nous intéresse ici, c’est le prix à payer pour le meurtre d’une femme par comparaison au prix pour celui d’un homme (ib.). Pour les femmes dépendant d’un maître, le prix pour le meurtre d’une esclave était de six grivnas, alors qu’il n’était que de cinq pour un esclave. Un maître tuant son esclave n’avait rien à payer, sauf s’il s’agissait d’une nourrice, auquel cas l’amende montait à douze grivnas, vu le rôle essentiel de la nourrice. Il est à noter que le meurtre d’une femme libre de petite condition (femme artisan ou femme d’artisan) montait aussi à douze grivnas (ib.) Pour les femmes libres, on est en possession d’un texte sibyllin (contenu dans l’article 88 du Droit Russe) et qui a fait couler beaucoup d’encre : "Payer pour une femme, si elle est coupable, la moitié du prix d’un homme". La première interprétation, chère aux tenants inconditionnels de l’inégalité homme / femme, consiste à constater avec délectation que le meurtre d’une femme ne vaut que la moitié du meurtre d’un homme. Il existe une deuxième interprétation, aujourd’hui admise, et qui tient compte d’un sous-entendu : le prix pour une femme est le même que pour un homme, mais, si elle est coupable (sous entendu d’adultère), alors, c’est la moitié du prix (les quarante grivnas dues pour la mort d’un individu libre tombent à vingt grivnas)1(ib.p.142) En cas de coups, l’amende à payer si la victime est un homme est beaucoup moins élevée que si c’est une femme. Dans la charte de Novgorod avec les Allemands, une blessure portée à un homme coûte douze grivnas, une blessure à une femme s’élève à quarante grivnas. Déchirer l’habit d’un homme coûte trois grivnas, arracher la coiffe d’une femme six grivnas. Mais les injures ou violences (y compris le viol) faites à une femme se paient également suivant le statut de la femme. Si la femme n’est pas libre et si l’auteur des méfaits est son propriétaire, celui-ci est soumis à une année de jeûne et la femme est libérée. Si la femme est libre, la peine est lourde, elle est égale au paiement pour la mort d’un homme libre (soit au XIIème siècle, quarante grivnas au prince plus quarante grivnas à la femme). L’accord de Smolensk avec Riga autorise dans ce cas à tuer l’homme fautif sur place. Il en va de même pour un homme pris en flagrant délit d’adultère : si le mari offensé le tue sur place, aucune peine n’est requise à son endroit2. Le viol d’une dame ou demoiselle est puni d’une amende très lourde : cinquante grivnas d’or. La loi ecclésiastique oblige dans ce cas à épouser ou à verser la moitié de sa richesse. D’après le témoignage de l’Arabe Abou-Hamid (XIIème siècle), en Russie, "le manque de respect à l’égard d’une dame de haute condition pouvait être puni par la perte des biens". Et, de surcroît, on coupait le nez au coupable, le déshonorant à jamais. Il est à noter que, contrairement à la juridiction occidentale, c’était dans ce cas la femme qui touchait l’argent et non son mari ou un quelconque parent masculin. Les injures en paroles portées à une femme ou fille de boïar coûtaient aussi cher que le viol proprement dit. De même, pour la calomnie d’une dame sur sa vertu. La loi prévoit même que si la calomnie vient du mari, l’épouse peut demander le divorce. De même encore pour les blessures portées à une femme libre. Si, du fait de ces blessures, la femme avortait, l’amende était identique à celle payée pour un meurtre »