De la paysanne à la tsarine

La Russie traditionnelle côté femmes

Le mariage par rapt

Le mariage par rapt : « Cette forme de mariage, déviante par rapport à la coutume dominante, est cependant relativement fréquente. Il est assez mal désigné par ce terme car la jeune fille est toujours au courant du projet quand elle n’en est pas l’initiatrice. Voilà de quoi il s’agit. La liberté prénuptiale des jeunes existant dans bien des endroits, il arrive que deux jeunes se plaisent mutuellement mais que les parents de la jeune fille ne soient pas disposés à voir celle-ci partir. La jeune fille étant économiquement plus indépendante de sa famille que le jeune homme de la sienne, elle peut décider celui-ci à simuler un enlèvement. Le dit rapt a lieu lors d’une sortie, d’une fête, etc., alors que les parents de la jeune fille la croient en train de s’amuser. Une fois mariée religieusement, elle revient avec son mari auprès de ses parents car la bénédiction parentale et surtout maternelle est indispensable (p. 63). Ce mariage par rapt peut exister aussi avec accord des parents de la fiancée pour éviter les frais du mariage. Il existe même des régions où le mariage par rapt est un rite. Smirnov le décrit pour le district de Chadrinsk (p. 210-211) : Le 18 janvier, jour de foire, les jeunes filles qui ont envie de se faire enlever (sic !) s’habillent de leur mieux, se regroupent près des étalages et attendent leur tour. Surviennent des équipages attelés à une troïka où se tiennent deux, trois ou plusieurs jeunes gens. Chaque équipage approche à toute allure du groupe des jeunes filles, un ou deux garçons sautent à bas de la voiture, s’emparent d’une jeune fille et filent sans prêter attention aux cris. Tout ceci devant un public nombreux. Le rite se répète, y compris les jours suivants, jusqu’à ce que toutes les candidates au rapt aient eu satisfaction. S’ensuivent les mariages. Ainsi, ces mariages ne confirment nullement la thèse de la domination de l’homme sur la femme, ils marquent même une indépendance financière certaine de la jeune fille vis-à-vis de ses parents : dans le pire des cas en effet la jeune fille est simplement privée de dot et de bénédiction.